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La cartographie sous-marine : des arpenteurs des mers à la révolution technologique – GIS Posidonie

Un héritage scientifique assumé et développé

S’il est un domaine dans lequel le GIS Posidonie a joué un rôle majeur et s’est imposé comme un interlocuteur incontournable pendant ces trente dernières années, c’est bien la cartographie sous-marine. Suivant l’exemple des pionniers et notamment les Professeurs Roger Molinier, Charles-François Boudouresque et Alexandre Meinesz, le GIS Posidonie a réalisé plus d’une centaine de cartes biocénotiques, avec une attention toute particulière pour les herbiers de posidonies, dans toute la Méditerranée ; il a ainsi constitué une base de données spatio-temporelles unique (Fig. 1).

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Fig. 1 : Principales cartographies réalisées par le GIS Posidonie le long du littoral de la région PACA.

Toujours à la pointe des nouvelles technologies, les outils mis en oeuvre se sont perfectionnés au cours du temps en passant des transects déroulés sur le fond par des plongeurs aux sondeurs acoustiques, et de l’interprétation manuelle d’orthophotoplans en noir et blanc au traitement d’images satellitaires intégrées dans des Systèmes d’Informations Géographiques (SIG). Quelle que soit la méthode utilisée, une attention particulière a été apportée à la prise en compte de données de terrain et à l’évaluation de la fiabilité des cartes réalisées.

Une optimisation des méthodes mises en œuvre

Au cours de ces trente années le GIS Posidonie a toujours cherché à améliorer les techniques existantes ou à adapter des méthodes utilisées dans d’autres domaines aux écosystèmes littoraux (écosystèmes terrestres, télédétection). Il a en outre bénéficié de l’optimisation des capteurs acoustiques pour la tranche profonde (au-delà de 10 m de profondeur), de l’avènement des logiciels de traitement d’images (satellitaires ou aériennes) pour la tranche superficielle, de l’essor des Systèmes d’Informations Géographiques et des progrès du positionnement en mer (Global Positioning System).

Cette ‘révolution technologique’ a permis la levée de cartes très précises, souvent en trois dimensions (intégration de la bathymétrie), mais surtout d’envisager la cartographie de zones beaucoup plus étendues (Fig. 2). Toutefois, elle ne dispense pas d’un travail de terrain conséquent, souvent réalisé en plongée, seul garant de la précision et de la fiabilité des cartes fournies. Il est par ailleurs intéressant de voir que les cartes levées laborieusement dans les années 1980s, avec des méthodes plus ‘rudimentaires’, sont validées par les travaux plus récents (traitement de photographies aériennes anciennes) et peuvent constituer de véritables états de référence (Fig. 3).

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Fig. 2 : Principales cartographies réalisées par le GIS Posidonie en en Méditerranée (le logo du GIS Posidonie correspond à des cartographies ponctuelles, le liseré vert à des cartographies exhaustives).

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Fig. 3 : Carte 3D des habitats marins de l’île de Port-Cros.

Même si la réalisation d’une carte doit d’abord répondre aux objectifs fixés (précision, tranchebathymétrique, surface concernée, etc.) et s’adapter aux contraintes techniques ou règlementaires et aux moyens disponibles, les méthodes utilisées par le GIS Posidonie sont relativement similaires :
– pour la tranche d’eau superficielle (0 à -15 m), le travail est réalisé par traitement informatique d’images aériennes ou satellitaires validées par des données de terrain, puis intégrées dans un SIG ;
– pour la tranche bathymétrique profonde (au-delà de -10 m), le travail est réalisé à partir de capteurs acoustiques (sonar à balayage latéral pour la nature des fonds et sondeur multifaisceaux pour la bathymétrie) calibrés et validés en plongée en scaphandre autonome ou à l’aide d’un ‘Remotely Operated Vehicle’ (ROV) en fonction de la profondeur.

L’approche ‘multicapteurs’ et les SIG permettent de lever une carte intégrant plusieurs couches d’informations (bathymétrie, nature des fonds, biocénoses, vitalité, données de terrain, etc.) et de disposer de véritables ‘états de référence’ pour suivre au cours du temps l’évolution du milieu.

Une réponse scientifique a des enjeux de gestion

Si les techniques de cartographies ont évolué au cours de ces années, elles répondent souvent à une demande des gestionnaires de l’espace littoral. En effet, compte tenu du peu de données disponibles, la constitution d’un état de référence des écosystèmes littoraux apparaît comme une démarche préliminaire indispensable, permettant d’apporter la connaissance minimale nécessaire pour la prise de décision en matière d’aménagement de l’espace et de protection du milieu.

D’abord développées principalement dans les Aires Marines Protégées (Parc national de Port- Cros, Réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, Réserve naturelle de Scandola) ou des secteurs caractérisés par de fortes pressions humaines (baie du Prado, émissaire de Cortiou ou de Giens), les cartographies sous-marines s’imposent rapidement comme des outils indispensables dans une stratégie de gestion intégrée de la zone côtière.

Aussi, dès 1988, des synthèses régionales sont réalisées (région PACA) à travers la mise à jour des cartes d’Inventaire Permanent du LIttoral (IPLI) à la demande de la DIrection Régionale de l’ENvironnement (DIREN). Toutefois, uniquement réalisées à partir de documents existants, souvent anciens, incomplets et de précision inégale, ces cartes qui laissent une large part à l’interpolation, ne peuvent pas constituer une base suffisamment précise pour les gestionnaires. Il faut attendre 1997 pour disposer des premières cartographies levées à une échelle régionale (littoral de la Corse entre 0 et 50 m de profondeur) avec des méthodes homogènes et ‘modernes’. En 2003, le GIS Posidonie et l’IFREMER éditent un guide méthodologique sur la cartographie des biocénoses marines. Dès 2003 le programme POSICART et en 2005 le programme POSIDONIA (INTERREG 3B de la Commission Européenne), en Région PACA, permettent de disposer d’une carte générale de répartition des principaux peuplements et types de fonds (Côte Bleue et St Cyr) et d’acquérir de façon homogène des données acoustiques (sonar latéral) le long du littoral du Var et des Bouches-du-Rhône.

Enfin, en 2008, le GIS Posidonie réalise la première synthèse cartographique des herbiers de posidonies à l’échelle de la Méditerranée à la demande du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (Centre d’Activités Régionales pour les Aires Spécialement Protégées) dans le cadre du Plan d’Action sur la Conservation de la Végétation Marine en Méditerranée. Il apparaît clairement que, si les pays du bassin nord-occidental bénéficient de nombreuses cartographies, ce n’est pas le cas du bassin oriental et les membres du GIS Posidonie s’impliquent alors dans de nombreux programmes de coopération dans ce domaine (formation et transfert de technologies, participation conjointe à des programmes de cartographie sur des sites ateliers, etc.). Parallèlement, la création d’un réseau complet, représentatif et cohérent d’aires marines protégées pour 2012 est un engagement politique fort de la France. Le Plan d’Action pour la Méditerranée, décidé en 2005, s’appuie notamment sur la mise en place du Réseau Natura 2000 en mer et la création de parcs naturels marins. Le GIS Posidonie réalise ainsi de nombreuses études de cartographies d’habitats et d’inventaires, afin de fournir aux futurs opérateurs des sites Natura 2000 ou gestionnaires de parcs une cartographie précise des habitats (Tabl. 1).

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Tabl. 1 : Surfaces et linéaires côtiers des sites Natura 2000 étudiés par le GIS Posidonie.

Une compétence qui s’exporte

L’expérience acquise par les chercheurs du GIS Posidonie au cours de ces 30 années a permis de rédiger des ‘lignes directrices pour la standardisation des méthodes de cartographie des magnoliophytes marines en Méditerranée’ qui ont été adoptées par les Parties contractantes à la Convention de Barcelone en 2011.

Cette ‘compétence méditerranéenne’ a permis au GIS Posidonie d’assurer la responsabilité scientifique et de participer à la cartographie des habitats génériques de la ‘Directive Habitats’, du littoral de la République de Chypre (460 km de linéaire côtier).

Enfin, cette compétence est en cours d’application à d’autres habitats avec la cartographie des principaux peuplements et types de fonds du Cap Corse jusqu’à une profondeur de 200 m
(campagnes CAPCORAL et CORALCORSE).

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Fig. 4 : Evolution de l’herbier et de la qualité des restitutions faites par le GIS Posidonie : carte ancienne réalisée à la main avec des Lettraset, en haut (Boudouresque et collaborateurs en 1985) et carte moderne en 3 dimensions, d’un même site, en bas (Bonacorsi et collaborateurs en 2012), le récif barrière de Saint-Florent (Corse).

Auteurs : Gérard Pergent et Denis Bonhomme.

Retrouvez cette article dans l’ouvrage du GIS Posidonie “Plus de 30 ans au service de la protection et de la gestion du milieu marin“.