Les visages multiples des nuisances sur l’environnement
Les sources de pollution en Méditerranée sont nombreuses. La définition même de pollution, peut parfois faire l’objet d’interprétations contradictoires. En tout état de cause, la régulation des sources de pollution en mer doit être l’un des principaux enjeux des années à venir.
1. Définition :
La pollution marine a été définie par la Commission Océanographique Internationale de l’UNESCO comme étant :
“…l’introduction par l’homme, directement ou indirectement, de substances ou d’énergie dans l’environnement marin pouvant entraîner des effets délétères, tels que dommages aux ressources biologiques, dangers pour la santé humaine, entraves aux activités maritimes, y compris les pêcheries, détérioration des qualités de l’eau de mer pour son utilisation et réduction des possibilités dans le domaine des loisirs.”
On voit dans cette définition que la notion d’origine anthropique est importante ; l’accumulation de branchages dans le port de Port-Cros après une tempête est quelque chose de naturel alors que celle de débris plastique après la même tempête sera définie comme une pollution. La frontière théoriquement nette est en fait parfois délicate à établir.
2. Sources de pollutions
L’essentiel des polluants provient des activités terrestres, à plus ou moins long terme tous les polluants rejetés dans la nature aboutissent au milieu marin, et les sources de pollution sont nombreuses : rejets domestiques (égouts), directement à la côte ou au large, par le biais d’un émissaire, port et centre urbain (les hydrocarbures et les métaux lourds ruissellent lors des pluies ou du lavage des chaussées), fleuve apportant les pollutions continentales (rejets industriels, pesticides agricoles), centrale thermique, raffinerie, grosse industrie (eau chaude, produits chimiques), rejets en mer des navires (déballastage, peintures anti-fouling) ou naufrages, chute de la pollution atmosphérique par les précipitations, enfin la pollution humaine directe : mégots de cigarette, produits solaires, déchets alimentaires (entre autres) sont les corollaires de l’utilisation de la mer dans le domaine des loisirs.
2.1. Pollutions chimiques : Ce sont des pollutions dues au déversement de substances chimiques telles que les hydrocarbures, les détergents, les biocides (pesticides), métaux lourds.
2.2. Pollutions biologiques : Il peut s’agir de pollution par micro-organismes : les germes (bactéries, virus, champignons, etc.) provenant des égouts peuvent proliférer à leur arrivée dans le milieu marin, même s’il est vrai qu’il s’agit d’un milieu qui ne favorise pas la vie de la plupart des agents pathogènes. Il peut également s’agir de l’introduction d’une espèce marine dans une zone où elle est normalement absente et dans laquelle elle a un impact non négligeable (ex : {Caulerpa taxifolia}). En eau douce, l’exemple de la jacinthe d’eau est frappant : introduite par l’homme, elle a depuis colonisé une grande partie des cours d’eau de la zone intertropicale, éliminant la majorité des espèces de plantes aquatiques indigènes et affectant profondément les écosystèmes limniques (rivières et lacs).
2.3. Pollutions physiques : On parle de pollution physique lorsque le milieu marin est modifié dans sa structure physique par divers facteurs. Il peut s’agir d’un rejet d’eau douce qui fera baisser la salinité d’un lieu, comme la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas, au nord de l’étang de Berre, d’un rejet d’eau réchauffée ou refroidie (par une centrale électrique ou une usine de regazéification de gaz liquide), d’un rejet liquide ou solide de substances modifiant la turbidité du milieu (boue, limon…), d’une source de radioactivité… La plupart du temps, un rejet n’est jamais une source unique et les différents types de pollution sont mélangés et agissent les uns sur les autres (effet de synergie). Ainsi, un égout rejette des déchets organiques, des détergents dont certains s’accompagnent de métaux lourds (pollution chimique), des micro-organismes (pollution biologique), le tout dans de l’eau douce (pollution physique).
3. Effets de la pollution
Ils dépendent du type de pollution, de l’agent polluant, des organismes victimes (et de leur état général : âge, sexe, état de santé). On admet généralement que les effets sont beaucoup plus graves en milieu côtier qu’en pleine mer. Les écosystèmes peuvent être complètement déséquilibrés à la suite de disparition d’espèces sensibles et de prolifération d’espèces plus résistantes. A plus ou moins long terme, l’homme est touché par ces pollutions : empêchement à l’utilisation des zones polluées, interdiction de consommation d’organismes marins… Les coquillages (et autres filtreurs) concentrent les polluants par leur activité (très importante) de filtration. Les grands prédateurs en bout de chaîne alimentaire concentrent les polluants qui se sont accumulés à chaque maillon de la chaîne. Dans de tels cas, la pêche peut être interdite, la baignade également, selon la pollution décelée.
La DDASS publie annuellement des relevés de qualité des eaux de baignade, basés sur plusieurs paramètres physico-chimiques et disponibles sur le site du Ministère de la santé -http://baignades.sante.gouv.fr
4. Limitation des pollutions
Aujourd’hui, les pollutions domestiques et industrielles sont relativement limitées par l’implantation obligatoire (circulaire européenne récente) de stations d’épuration relativement efficaces (les réseaux de surveillance, notamment le Réseau de Surveillance Posidonie, ont mis en évidence, en plusieurs endroits, de nettes améliorations de la qualité du milieu).
Il n’en demeure pas moins que la pollution reste le problème de chacun et qu’un petit effort personnel de comportement apporterait une contribution importante au confort et à la qualité de vie de tous.
5. Autres atteintes au milieu marin
L’impact des constructions gagnés sur la mer (ports, plateformes d’aéroports, parking…) sur les fonds marins peut être très important. 10% des petits fonds entre 0 et 20 m ont été ainsi définitivement recouverts ou endigués par des ouvrages entre Menton et Martigues (200 ouvrages sur 650 km de côtes). L’augmentation de l’effort de pêche et l’évolution du matériel (bateaux et treuils de plus en plus puissants), ainsi que la surfréquentation de certains sites ont également un impact très important sur le milieu marin et ses ressources.
6. Problèmes à venir
L’explosion démographique sera, sans aucun doute, dans les années à venir, le principal enjeu à prendre en compte dans la régulation des sources de pollution. La concentration des populations dans les grands centres urbains (nombreux au bord de mer sur le bassin méditerranéen) obligera à la mise en oeuvre de centrales d’épuration toujours plus importantes et toujours plus performantes. De plus, si les pays industrialisés ont pris, depuis quelques années, conscience de l’intérêt à préserver l’environnement, les pays de la rive sud de la Méditerranée commencent à adopter le mode de vie des pays plus riches, sans encore accorder trop d’importance à leur environnement. Le problème de la pollution étant d’ordre mondial (les polluants ne s’arrêtent pas aux frontières), nos pays doivent d’ores et déjà prévoir des coopérations pour la gestion de ces problèmes, faute de quoi, les efforts faits depuis quelques années n’auront servi, à long terme, à rien.
Guillaume Bernard & Vincent Gravez