Cet article fait partie d’une grande série sur le thème des végétaux, peuplements et paysages marins menacés de Méditerranée. L’ensemble de ce travail a été publié en 1990 sous la forme d’un ’Livre Rouge’ dans les Séries techniques du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (voir référence complète ci-dessous).

Structure et dynamique

Les fonds coralligènes se situent sur des hauts fonds, au pied des roches littorales, au droit des caps ; il existe également des fonds coralligènes “de plateau” ; ils commencent, selon la région et la transparence de l’eau, entre 20 et 45 m de profondeur ; ils sont signalés jusqu’à 100 m de profondeur aux îles Baléares. Ils sont caractérisés par des algues sciaphiles (algues molles et algues calcaires) ainsi que par de nombreuses espèces animales, dont certaines (Bryozoaires) sont concrétionnantes.

Les formations coralligènes subissent une évolution complexe, qui peut aboutir à leur fossilisation ou à leur destruction (LABOREL, 1961). Lorsque les algues et la faune concrétionnante sont abondantes, et que les espèces perforantes (biodestructrices) sont moins actives que les espèces bioconstructrices, les peuplements coralligènes prennent la forme d’un bioconcrétionnement spectaculaire dont l’épaisseur, généralement non connue, semble pouvoir atteindre plusieurs mètres.

Le résultat de cette évolution continue est une série de fonds durs d’origine biologique dotés d’une morphologie caractéristique. Des formations en draperies, en murette ou en corniches pouvant former des encorbellements de 2 à 4 mètres de large, sont communes sur les falaises sous-marines entre 20 et 50 m. D’autre part, des bancs horizontaux formés de blocs libres ou de dalles horizontales épaisses ont été observés à des profondeurs variées, allant de 20 m sur la côte des Pouilles en Italie (SARA, 1969) à plus de 90 m en Méditerranée orientale (Crète) ou occidentale (Corse, Baléares).

Distribution géographique

Les fonds coralligènes constituent un peuplement caractéristique de l’ensemble des côtes de Méditerranée.

Menaces

Etant situés en profondeur, les fonds coralligènes ont été plus tardivement touchés par la pollution et les dégradations d’origine humaine que les zones superficielles. Depuis quelques années, toutefois, on a pu constater une régression des peuplements coralligènes avec :

– un envasement progressif, très net dans certains secteurs ;
– la prolifération des organismes biodestructeurs : en particulier les éponges perforantes, telles que les Clionidae ;
– des maladies et des mortalités anormales des organismes les plus représentatifs de la biocénose, et tout particulièrement des grandes gorgones (RIVOIRE, 1987) ;
– des déséquilibres faunistiques et floristiques, notamment des variations de l’abondance de certaines algues calcaires ;

– en Grèce, le chalutage peut s’attaquer à la limite inférieure du coralligène ; l’utilisation de la croix de Saint André (partiellement autorisée en Espagne, interdite en Algérie et en Grèce) a des conséquences directes (destruction des bio-concrétionnements) et indirectes (augmentation de la turbidité entraînant une baisse de l’intensité lumineuse) graves.

En ce qui concerne la faune associée, si les fonds coralligènes sont un des derniers refuges du mérou de Méditerranée qui y trouve un abri contre les chasseurs sous-marins, on peut dire que la prédation humaine a pratiquement éliminé les grands crustacés (Langoustes, Araignées de mer, Grandes cigales) qui s’y développaient en abondance.

La synergie entre les divers types d’agressions (pollution, envasement, prélèvements et surpêche, etc.) peut avoir des conséquences irrémédiables sur les fonds coralligènes. De par la beauté de leurs paysages et la richesse de leur faune et de leur flore, il est indispensable de prendre un minimum de dispositions pour la protection de ces peuplements spectaculaires et hautement caractéristiques de la Méditerranée. Les fonds coralligènes sont, en outre, l’objet d’une fréquentation croissante par le tourisme sous-marin.

Cet article est issu d’un travail réalisé pour le Programme des Nations Unies pour l’Environnement et l’IUCN par les GIS Posidonie en Collaboration avec de nombreux chercheurs méditerranéens et publié sous le titre : Livre Rouge “Gérard Vuignier” des végétaux, peuplements et paysages marins menacés de Méditerranée. 250p. Par BOUDOURESQUE C.F., BALLESTEROS E., BEN MAIZ N., BOISSET F., BOULADIER E., CINELLI F., CIRIK S., CORMACI M., JEUDY DE GRISSAC A., LABOREL J., LANFRANCO E., LUNDBERG B., MAYHOUB H., MEINESZ A., PANAYOTIDIS P., SEMROUD R., SINNASSAMY J.M., SPAN A., VUIGNIER G., 1990. MAP Technical Reports Series N°43, UNEP, Athens, PNUE, IUCN & GIS Posidonie.