Cet article fait partie d’une grande série sur le thème des végétaux, peuplements et paysages marins menacés de Méditerranée. L’ensemble de ce travail a été publié en 1990 sous la forme d’un ’Livre Rouge’ dans les Séries techniques du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (voir référence complète ci-dessous).

Structure et dynamique

L’herbier à P. oceanica, grâce à la densité des feuilles (plusieurs milliers par m²), piège des quantités importantes de sédiment. Les rhizomes réagissent par une croissance verticale de quelques mm à quelques cm par an (BOUDOURESQUE et al., 1984) et édifient ainsi la “matte“, ensemble constitué par le lacis des rhizomes et des racines, très peu putrescibles, et par le sédiment qui colmate les interstices. La matte peut-être érodée par l’hydrodynamisme (intermattes). Au cours du temps, la matte s’élève lentement au dessus du niveau initial (1 m par siècle selon MOLINIER et PICARD, 1952), constituant des épaisseurs pouvant atteindre au moins 8 m. Lorsque, près de la côte et en mode calme, l’herbier à P. oceanica approche de la surface, l’extrémité de ses feuilles s’y étale ; on parle alors de récif-frangeant. Entre la zone d’émersion des feuilles et la côte, l’eau circule mal, s’échauffe en été, se dessale lors des orages, de telle sorte que les Posidonies y meurent tandis que la poursuite de la croissance en hauteur de l’herbier conduit, côté large, à l’émersion de nouvelles Posidonies : ainsi se constitue un récif-barrière séparé de la côte par un lagon (MOLINIER et PICARD, 1952 ; BOUDOURESQUE et MEINESZ, 1982), et dont il sera question plus particulièrement à propos des paysages menacés.

Distribution géographique

D’une façon générale, les herbiers ont la même répartition que la plante elle-même ; les plus vastes herbiers sont localisés :

en Espagne : aux Baléares et dans la région d’Alicante ;

en France : dans les rades de Giens et de Hyères et sur la côte orientale de Corse ;

en Italie : la région de Marsala (Sicile) ;

en Grèce : sur les côtes Ioniennes ;

en Turquie : dans la baie d’Edremit ;

en Tunisie et en Lybie du golfe de Gabès à la Petite Syrte.

Ecologie

Par l’importance de sa production primaire, par la richesse de sa flore, de sa faune, de ses épiphytes, par son rôle déterminant pour l’ensemble des équilibres biologiques et sédimentologiques du littoral, l’herbier de Posidonies est actuellement considéré comme l’écosystème pivot de la Méditerranée.

Menaces naturelles

Les herbiers superficiels sont durement attaqués par les vagues et la houle qui, malgré la relative résistance des mattes, arrachent de nombreux rhizomes et créent des intermattes et des chenaux (BLANC, 1958). Une partie des épaves ainsi constituées est détruite (rejet sur les plages, entraînement en profondeur par les courants, etc) ; une autre partie, très faible, constituera des boutures assurant l’essentiel de la propagation de l’espèce.

Menaces humaines

La modification des apports sédimentaires peut conduire à l’ensevelissement des points végétatifs, ou au contraire au déchaussement des rhizomes et à l’écroulement de l’herbier (BOUDOURESQUE et al., 1984 ; BOUDOURESQUE et JEUDY DE GRISSAC, 1986). D’une façon générale, les aménagements littoraux provoquent les deux phénomènes, selon que l’on se trouve en amont ou en aval de l’ouvrage par rapport au courant dominant ; l’aménagement des fleuves littoraux, et la rétention du sédiment en arrière des barrages, provoque le déficit en sédiment. L’aménagement du littoral (construction de ports, endigages) provoque la destruction de l’herbier par ensevelissement ou modification du milieu (MEINESZ et LEFEVRE, 1976 ; MEINESZ et al., 1981). La turbidité contribue à la remontée de la limite inférieure et l’eutrophisation entraîne une surcharge en épiphytes. Enfin, la pollution (rejet en mer d’effluents domestiques ou industriels non épurés) est considérée comme responsable de la régression des herbiers aux alentours des grands centres industriels et portuaires (PERES, 1984).

Les navires jetant leur ancre dans un herbier de posidonies ne le détruisent pas directement. Mais, en ouvrant des brèches dans la matte, ils initient la formation d’intermattes (sortes de marmites de géants creusées dans l’herbier).

Mesures de protection

La destruction d’un herbier de posidonies peut être considérée, à l’échelle humaine, comme irréversible : la recolonisation naturelle est très lente, et la réimplantation, bien que techniquement possible par endroits (CINELLI, 1980 ; COOPER, 1982), n’est également qu’une solution à long terme (BOUDOURESQUE et MEINESZ, 1982). La destruction des herbiers doit donc absolument être évitée : les aménagements (ports, plages alvéolaires, endigages) sont donc à proscrire dans les zones d’herbiers (MEINESZ et LEFEVRE, 1978), de même que les rejets d’effluents ; les mouillages forains devraient être réglementés afin de respecter les capacités d’accueil de l’herbier.

Cet article est issu d’un travail réalisé pour le Programme des Nations Unies pour l’Environnement et l’IUCN par les GIS Posidonie en Collaboration avec de nombreux chercheurs méditerranéens et publié sous le titre : Livre Rouge “Gérard Vuignier” des végétaux, peuplements et paysages marins menacés de Méditerranée. 250p. Par BOUDOURESQUE C.F., BALLESTEROS E., BEN MAIZ N., BOISSET F., BOULADIER E., CINELLI F., CIRIK S., CORMACI M., JEUDY DE GRISSAC A., LABOREL J., LANFRANCO E., LUNDBERG B., MAYHOUB H., MEINESZ A., PANAYOTIDIS P., SEMROUD R., SINNASSAMY J.M., SPAN A., VUIGNIER G., 1990. MAP Technical Reports Series N°43, UNEP, Athens, PNUE, IUCN & GIS Posidonie.